Chers lecteurs,
Nous traversons une époque d’instabilité géopolitique qui impacte l’occident, avec son lot d’insécurité sur les risques d’incident nucléaire. On me questionne plus souvent qu’auparavant sur la quantité d’iode à prendre afin de se protéger contre l’iode radioactif. Cette question mérite d’être éclaircie, car l’apport de comprimés d’iode prévus lors de fuite de substances radioactives n’étant pas en vente libre, les citoyens n’auront pas nécessairement accès à ces comprimés au moment opportun.
Quand on parle de supplémentation en iode, on peut évidemment se référer aux algues, réputées pour leur richesse en iode, ou autres produits permettant d’apporter un supplément notable en iode. Toutefois, le taux requis en iode permettant de saturer la glande thyroïde afin d’éviter une absorption d’iode radioactif par l’organisme est sans commune mesure avec les dosages que l’on peut obtenir avec ce type de produits. La seule alternative consiste à disposer d’un flacon d’iode à domicile. Un produit de référence est le Lugol, produit hautement concentré en iode, permettant d’atteindre le seuil de saturation nécessaire sans difficulté. Je vous propose d’approfondir ce sujet.
Pourquoi un apport d’iode lors d’un accident nucléaire ?
En cas d’accident nucléaire, de l’iode radioactif peut être rejeté sous forme de panache ou de nuage, contaminant l’environnement et les populations. L’inhalation d’air contaminé, ainsi que l’ingestion d’aliments et d’eau contaminés peut provoquer une contamination interne et une absorption d’iode radioactif, principalement par la thyroïde. En effet, la glande thyroïde utilise l’iode pour produire les hormones thyroïdiennes ; elle absorbe toutes les formes d’iode, sans distinguer entre iode radioactif et iode stable (iode stable : iode naturel non radioactif). Le tissu thyroïdien est donc exposé au rayonnement de ces isotopes radioactifs, ce qui augmente le risque de cancer de la thyroïde.
Si de l’iode stable est administré en quantité suffisante avant ou au début de l’exposition, il bloque l’absorption de l’iode radioactif en saturant la thyroïde, réduisant efficacement l’exposition interne de celle-ci. Par conséquent, l’administration orale d’iode stable associée à un contrôle des aliments et de l’eau ingérés est considérée comme une stratégie très valable de réduction des risques d’effets indésirables sur la santé des personnes exposées à des rejets accidentels d’iode radioactif.
Quelle quantité de Lugol pour saturer la thyroïde ?
La quantité nécessaire en iode afin de saturer la thyroïde a été fixée par les organismes de santé à 100 mg d’iode pour un adulte. Cette valeur correspond au dosage des comprimés en iode stable qui doivent être distribués à temps lors d’un incident nucléaire. Ce seuil tient compte d’une marge d’erreur afin d’être efficace sur l’ensemble de la population.
Voici les recommandations officielles selon la classe d’âge en iodure de potassium, avec entre parenthèses la quantité effective en iode :
Adulte : 130 mg (soit 100 mg d’iode)
Enfants (3 à 12 ans) : 65 mg (soit 50 mg d’iode)
Nourrissons (1 mois à 3 ans) : 32 mg (soit 25 mg d’iode)
Nouveau-nés (de la naissance à 1 mois) : 16 mg (soit 12 mg d’iode)
Comme indiqué en introduction de cette infolettre, l’apport de comprimés d’iode prévus lors de fuites radioactives n’étant pas en vente libre, les citoyens doivent disposer de ces comprimés au bon moment. Une sécurité consiste à disposer d’un flacon d’iode à domicile.
Voyons comment se supplémenter en iode avec le Lugol, assurément la meilleure alternative aux comprimés d’iode. Avant de passer au calcul, somme toute très simple, un point important est à considérer afin de ne pas faire d’erreur : les comprimés d’iode distribués sont composés de 65 mg d’iodure de potassium correspondant à 50 mg d’iode. En clair, la teneur réelle en iode n’équivaut pas à la quantité d’iodure de potassium du produit (ou de sa masse, laquelle est supérieure à la teneur effective du produit en iode). Ce qui fait référence est la teneur effective en iode, pas la teneur des constituants du produit. C’est pareil avec le Lugol.
Si vous disposez d’un flacon d’iode comme le Lugol, il vous faut connaître la quantité d’iode par goutte. Par exemple, avec le Lugol Clark disponible sur le site Vivre Naturellement, lequel est dosé à 4%, la quantité d’iode est de 5 mg par goutte.
Pour un adulte, la teneur à atteindre en iode indiquée par l’OMS est de 100 mg d’iode, soit : 5 mg x 20 = 100 mg d’iode. 20 gouttes du Lugol Clark permettent d’atteindre le seuil requis pour un adulte, soit 100 mg d’iode. Divisez par deux, soit 10 gouttes, pour les enfants de 3 à 12 ans, etc.
Comment prendre la supplémentation en iode ?
Dans tous les cas, la supplémentation en iode afin de saturer la thyroïde, qu’il s’agisse de comprimés ou d’une version liquide comme le Lugol, est à prendre en une prise.
Les comprimés peuvent être écrasés et mélangés avec du jus de fruit, de la confiture, du lait ou toute autre substance similaire. Le Lugol quant à lui est à prendre dans du liquide, de l’eau, du jus, du lait, etc. Le goût du Lugol à haute dose n’étant pas vraiment agréable, c’est une bonne idée de masquer son goût si vous n’êtes pas habitué au produit. Sachez que cela ne diminuera pas son efficacité. Ce qui importe dans ce cas de figure est de bénéficier de l’apport d’iode, abstraction faite des autres qualités du Lugol. Un article est spécifiquement dédié aux qualités santé du Lugol.
À quel moment prendre de l’iode lors d’un incident nucléaire ?
Il est important de prendre le produit au bon moment. En effet, initier l’apport diode pour saturer la thyroïde plus de 24 heures après l’exposition à l’iode radioactif pourrait s’avérer plus nocif que bénéfique, car cela prolongerait la demi-vie biologique de l’iode radioactif déjà accumulé dans la thyroïde. La période optimale d’administration d’iode stable se situe ainsi dans la fourchette suivante :
24 heures qui précèdent l’exposition attendue, jusqu’aux 2 heures qui suivent le début de l’exposition attendue.
En d’autres termes, il est important d’administrer la quantité nécessaire d’iode avant le début de l’exposition, quitte à réitérer la procédure si besoin, nous y reviendrons.
C’est la raison pour laquelle, en cas de danger à l’iode radioactif, les autorités doivent absolument distribuer à temps les comprimés d’iode et transmettre au moment opportun l’indication d’ingérer le ou les comprimés d’iode.
Quelle est la durée de protection ?
La durée de protection contre l’iode radioactif en saturant la thyroïde se situe dans une fourchette allant de 24 à 36 heures après la prise du produit, soit au minimum 24 heures de protection. La protection est pratiquement de 100%.
Combien de doses sont nécessaires ?
Cette question dépend de la durée possible de contamination. Fort heureusement, l’iode radioactif appelé iode 131 est un isotope radioactif dont la durée de vie est relativement courte. Sa période radioactive, ou temps de demi-vie (c’est-à-dire le temps au bout duquel la moitié des noyaux radioactifs, initialement présents, se sont désintégrés) est de 8 jours.
Une administration unique d’un produit permettant de saturer la thyroïde est généralement suffisante selon les autorités sanitaires. Cela dit, une administration répétée pourrait s’avérer nécessaire en cas d’exposition prolongée (plus de 24 heures). Cela surviendra par exemple s’il n’est pas possible d’évacuer rapidement la région contaminée, puisque l’iode radioactif sera présent dans l’air, dans des aliments ou dans l’eau du robinet. Il n’est donc pas contre-indiqué de réitérer le protocole plusieurs jours de suite. Bien évidemment, disposer de réserves de nourriture et de boissons permettra de limiter le problème avec la nourriture, il restera alors à se protéger suffisamment longtemps contre l’iode radioactif présent dans l’air avec la supplémentation en iode.
Quels sont les groupes les plus sensibles ?
Tout type d’individu est concerné, cependant les enfants et les adolescents jusqu’à 18 ans présentent un risque plus élevé en cas d’incident nucléaire. Ils sont les plus sensibles et les plus susceptibles de développer un cancer de la thyroïde à la suite d’une exposition à de l’iode radioactif. Cela est aussi du aux habitudes alimentaires différentes des enfants comparativement aux adultes. Par exemple, après l’accident nucléaire de Tchernobyl, le lait a été l’une des principales sources d’exposition à l’iode radioactif, et son accès n’a pas été tout de suite réglementé. Les enfants ayant tendance à consommer plus de lait que les adultes, ils ont été plus largement touchés.
La forte sensibilité à l’iode radioactif existe aussi chez les bébés avant leur naissance. La thyroïde du fœtus commence à capter de l’iode et à le fixer dès le 2e trimestre de la grossesse. L’iode est également assimilé par les glandes mammaires des femmes qui allaitent et se retrouve dans le lait maternel. Voilà pourquoi la prise de comprimés d’iode afin de saturer la thyroïde est fortement recommandée par les autorités de santé chez les femmes enceintes et chez les femmes qui allaitent, quel que soit leur âge.
Puis-je prendre le dosage préconisé plusieurs jours de suite ?
Oui, il est possible de prendre la supplémentation en iode requise plusieurs jours d’affilée. Les données qui suivent se réfèrent à la notice des comprimés d’iode distribués en Suisse lors d’un incident nucléaire, commercialisés sous le nom AApot 65, ainsi qu’aux recommandations de l’OMS.
- Enfants dès 12 ans et adultes : plusieurs jours de suite autorisés.
- Enfants de 1 mois à 12 ans : plusieurs jours de suite autorisés (dosage à ajuster en fonction de l’âge, voir les indications plus haut).
- Femmes enceintes ou qui allaitent : 2 jours de suite au maximum.
- Nouveau-nés jusqu’à 1 mois : 1 dose unique.
Remarques complémentaires :
– Les personnes atteintes d’une hyperthyroïdie traitées adéquatement peuvent également prendre la supplémentation en iode.
– Les personnes de plus de 60 ans ont plus de risques d’effets indésirables en cas d’administration répétée d’iode à haute dose ; il n’est pas conseillé à cette classe d’âge de dépasser une journée.
Effets indésirables de l’iode à haute dose
Les effets indésirables de l’iode stable sont rares, ils comprennent une possible hyperthyroïdie ou hypothyroïdie passagères causées par l’iode, ainsi que certaines réactions allergiques. Peuvent apparaître temporairement : goût métallique, maux de tête, éruption cutanée, maux d’estomac, agitation, pour l’essentiel des réactions parfois observées.
Autres mesures de prévention
Pendant la phase précoce d’un incident nucléaire (de quelques jours à quelques semaines), le moyen le plus efficace de limiter l’ingestion d’iode radioactif (comme l’a montré l’expérience de Fukushima), et de limiter les doses à la thyroïde (notamment chez les enfants) est de limiter la consommation d’aliments, d’eau potable et de lait (issu de vaches élevées en plein air) contaminés. Cette recommandation est à suivre en complément de la saturation en iode, soit par les comprimés fournis par l’organisme compétent, soit par un produit fortement dosé en iode comme le Lugol.
Eau propre et distillation
Selon le type d’incident nucléaire donné, l’eau courante peut s’avérer temporairement radioactive. Il sera bon de constituer des réserves d’eau à l’avance. Et si vous ne disposez pas de réserve d’eau mais d’un filtre à domicile ?
La radioactivité est tenace. Selon les données du chercheur Raffaele Mezzenga, professeur d’alimentation et de matériaux souples à l’ETH Zurich, l’osmose inverse permet de purifier jusqu’à 70% de l’eau contaminée par la radioactivité, mais les éléments radioactifs, dont certains sont puissants et émettront des radiations durant des milliers d’années, s’accumulent dans les 30% restants. L’osmose inverse est donc un procédé intéressant pour retirer la radioactivité, à défaut de mieux, mais pas suffisant.
La méthode de distillation est un pas supplémentaire vers l’élimination de la radioactivité, de par le fait que l’eau est d’abord soumise à évaporation avant de la récolter ensuite d’une façon “nouvelle”. Cela dit, même si ce procédé est plus puissant que l’osmose inverse, en théorie sans trace de polluant à l’arrivée, on peut considérer que le résultat ne sera pas à 100% spécifiquement avec la radioactivité.
Vous l’aurez compris, la meilleure solution consiste à préparer des réserves d’eau dès que possible lors d’une alerte nucléaire. Dans le cas où l’on ne dispose pas de réserve d’eau, un distillateur d’eau s’avère probablement le meilleur compromis afin de s’assurer de filtrer tout type d’élément et retirer autant que possible la radioactivité résiduelle.
Marco Caldi – CuresClark.com
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